Gargamel, tu évoques avec raison la complémentarité de la Canne de combat (sans oublier la double canne), du Bâton, de la Canne-Chausson et de la Canne-Défense.
Cela suppose donc d'intégrer aussi la Savate.
Tu mentionnes ainsi logiquement "la BF (celle de nos ancêtres ?) et la Lutte Parisienne" pour obtenir un panorama technique complet de la Savate et de la Canne/Bâton.
Personnellement, cette dernière option du "combat complet" (qui pourrait être pratiquée comme sport de combat avec ses propres règles de sécurité) me plaîrait beaucoup... disons bien davantage que l'esprit sécuritaire de la Savate-Défense.
Question de choix idéologique et pragmatique:
- je préfère une dimension sportive/jeu plutôt que la dimension sécuritaire.
Je ne renie pas néanmoins la légitimité d'une orientation vers la défense personnelle (on dit d'ailleurs "légitime défense").
Mais il me semble que cette recherche sécuritaire est d'abord essentiellement un moyen d'assurance psychologique.
Or, je crois que cette assurance psychologique est bien mieux accomplie via le sport et ses méthodes (assaut/sparring), plutôt que via l'approche directement sécuritaire (qui souvent propose des "recettes techniques" de self-défense, dites "applications").
Certainement, si le sport de combat propose un répertoire technico-tactique "complet", cet effet de préparation psychologique devient aussi plus réaliste pour un contexte chaotique d'agression.
Je sais que le stéréotype de la méthode "par recettes" n'est pas le cas de la Savate-Défense.
Il y a aussi des exercices de "mise en situation" (1 contre 1, ou 1 contre plusieurs), et des formes d'assaut à thèmes technico-tactiques.
De plus, la Savate-Défense est évolutive dans ses méthodes, en situation d'intégrer/reformuler ce qui est pratiqué ailleurs.
Mais quitte à développer des compétences technico-tactiques de "combat complet", je préfèrerais une approche sportive (mais pas nécessairement compétitive) qui autoriserait l'expression libre avec opposition contrôlée d'un large registre technique, et avec sécurité.
L'aspect "sécuritaire", je le placerais donc surtout dans la pratique elle-même, plutôt que dans une projection fantasmée en-dehors d'elle (l'agression de rue).
Probablement ma position idéologique provient du fait que je pense que la défense personnelle est essentiellement une affaire psychologique:
- prévention, attention, anticipation, gestion émotionnelle, stratégies de communication (confusion, assertivité, jeu)... et implicitement l'expérience de la "rugosité du contact" et de l'opposition sportive...
Et ultimement seulement, la légitime défense est une affaire de condition physique et de capacité technico-tactique, alliée à la détermination.
C'est pourquoi une approche sportive (de type "combat complet" et jeux) me semble plus profitable qu'une approche directement sécuritaire.
Une autre approche alternative au sport me semble bien représentée par la méthodologie du Systema (dont je n'ai fait qu'essayer qqs cours lorsque j'étais à Lyon).
Parce qu'outre leurs multiples jeux à thèmes d'opposition, et de mises en situations variées (debout, au sol, avec bâton, yeux fermés, obstacles divers, "percussions-massages"...), l'essentiel du travail proposé n'est pas technique, ni "recettes", mais explicitement un focus d'ordre psychologique, via le contrôle de la respiration.
Les propositions de jeux incitent à la spontanéité, à l'état de non-préparation de la réponse (effet de désinhibition).
La prise de conscience de la respiration et des tensions corporelles associées, et le moyen de les réguler, est le thème central du Systema.
Les jeux d'opposition multiples ne sont que le moyen d'éprouver ses réactions psycho-physiologiques dans un cadre facilitateur.
En ce sens, cette approche "indirecte", et auto-suffisante à elle-même, est aussi tout à fait complémentaire d'une approche plus sportive (je crois).
Je suppose donc que la Savate-Défense sait s'inspirer de cet état d'esprit du Systema, et probablement d'autres approches encore.
La confiance a priori en ses capacités de défense est donc un résultat obtenu "de surcroît".
Le vrai travail est surtout indirect, qu'il soit sportif et/ou ludique, et "thérapique".
Quant au salut dans une situation critique d'agression... qui vivra saura!
La vérité du réel est d'abord l'incertitude, comme en sport... mais en puissance n+1.
En fonction de cette perspective, s'adonner à la self-défense pour elle-même ne fait pas beaucoup de sens.
C'est le petit bout de la lorgnette. Certains répliqueront "on y voit bien mieux, on y voit bien mieux!"
J'admet donc que c'est une position criticable et personnelle.
Mais la réflexion de Gargamel m'amène à penser aussi à cette complémentarité Canne de combat et Bâton, Canne Chausson et Savate/Canne-Défense, et en ajoutant la Savate.
Pour moi, le fil conducteur ne peut être que l'état d'esprit commun qui anime chacune de ces spécialités.
Il s'agit du
jeu d'opposition, qui permet de s'éprouver soi-même avec plaisir, de communiquer avec des adversaires-partenaires (ou l'inverse!) entre opposition/coopération, et progressivement d'accroître son potentiel d'action.
Dans cette perspective, le mode sportif de l'opposition (avec et sans compétition) est le lien entre toutes ces modalités de jeu.
Je me suis ainsi laissé imaginer une forme sportive de "Savate-Lutte", complémentaire de la "Savate-Boxe française".
Une Savate "à main plate" (sans gants) + lutte rapide (sans saisie de tissu vestimentaire) sous forme de jeu sportif.
Un exemple coréen de cette dynamique de combat est le Taekkyon (discipline ayant obtenu le statut de patrimoine national, et à ne pas confondre avec le Taekwondo):
- le combat consiste soit à renverser l'adversaire, soit à le marquer d'une touche du pied au visage
- les mains ne peuvent pas saisir le tissu, mais seulement crocheter au corps, à la nuque, aux bras et aux jambes lors des coups de pied
- les phases de lutte doivent être brêves ("dans le temps") pour reprendre la distance de frappe de pied
- les frappes de pieds sont autorisées en lignes basses, médianes et hautes ET ne doivent pas être percutantes, mais poussantes (pour déséquilibrer)
Un autre jeu de combat populaire, joué essentiellement aux pieds, est un jeu appelé Tiqqar, en provenance de la Kabylie. Mais je n'ai pas d'information précise à ce sujet.
Une "Savate-Lutte" jouée "à main plate" serait une formule aussi très intéressante, peut-être pas tellement éloignée des jeux de combat populaires de la savate parisienne d'antan (?).
Si une Canne-Défense se présente comme un prolongement (sportif ou non) de la Canne-Chausson, ce pourrait être alors justement comme une intégration de la Canne, de la Savate (ou Chausson) et de la Lutte...
La seule règle de jeu serait l'opposition coopérative (hors-compétition), le contrôle des coups, et la logique de transition des techniques Canne/Savate/Lutte:
- réguler la vitesse d'exécution en fonction du niveau de l'adversaire-partenaire
- ne pas blesser
- laisser "travailler" l'autre pour permettre les enchaînements d'attaques et contre-attaques